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Evelyne Rogue, Docteur en philosophie, enseignante chercheur, formatrice, revient sur la e-réputation des marques sous un angle plus sociologique.
« L’enfer, c’est les autres… » Jamais sans doute cette affirmation, devenue un véritable adage, n’aura été aussi vraie qu’à l’ère du Web 2.0, voire 3.0… En l’écrivant, Jean-Paul Sartre n’imaginait sans doute pas à quel point son propos était prophétique, non pas seulement au sens de celui qui rappelle à temps et à contre temps l’essentiel, mais aussi au sens de celui qui annonce la vérité de ce qui est en train de se produire. Prophétique, il l’est en ce lieu, non pas en tant que devin, mais en tant qu’être attentif à ce qui est. Et ce ne sont pas des marques telles que Toyota, Pizza Hut, ou encore Habitat UK qui me contrediront. En effet, aujourd’hui la e-réputation devient un enjeu majeur tant pour l’individu que pour les marques.
L’e-réputation des marques se construit dans des lieux régis par des codes différents
N’entendons pas « L’enfer, c’est les autres » au sens misanthropique du terme, bien entendu, mais comprenons simplement qu’aujourd’hui plus que jamais, et même comme jamais auparavant, ce sont les autres qui sont constitutifs de mon être. L’e-réputation se décompose en différents éléments, elle comprend le volume de conversations générées ou spontanées, la publication de liens vers les sites de l’entreprise, contextes de mention, appréciations sur les dirigeants, les campagnes de communication ou les produits, attributs associés. Elle se construit en différents lieux régis par des codes différents : blogs, forums, réseaux sociaux, sites d’avis de consommateurs, encyclopédies en ligne,…
Elle est donc à la fois extrêmement volatile et réactive, pouvant évoluer fortement en quelques minutes et gardant aussi la mémoire de tous ses états passés, notamment grâce au stock des moteurs de recherche.
En effet, avec l’avènement du net, l’ère du blogging, des réseaux sociaux, l’heure de la e-réputation a sonné, avec son lot d’avantages et d’inconvénients, d’applications et d’implications tant positives que négatives. Qu’il s’agisse de l’article du Point cité ci-dessous ou bien encore par exemple de Domino’s Pizza dans lequel deux salariés se filment préparant des pizzas à leur «manière» et le diffusent sur un site de partage de vidéos. Aussi humoristique qu’ils aient souhaité être, et bien qu’ils aient été licenciés, que le magasin ait été fermé, que le CEO ait fait des excuses publiques sur Youtube… le mal était fait et les suspicions de « malbouffe » autour de Domino’s Pizza ressortent de manière très forte après cette vidéo. Cela montre à quel point les marques sont aussi faibles que le plus faible de tous les maillons.
Les marques doivent intégrer le fait qu’elles ne contrôlent plus totalement les conversations
L’important pour les marques consiste donc à intégrer le fait qu’elles ne contrôlent plus totalement les conversations faites autour de leurs produits et de trouver des solutions pour y répondre sur un plan opérationnel. Cela concerne en premier lieu les marques à forte notoriété qui commencent sérieusement à investir le terrain, à l’image de Pepsi, Starbucks, Intel, Ford ou encore Dell. Mais cela touche maintenant les plus petites entreprises qui sont exposées via les sites d’avis de proximité (Yelp, TripAdvisor ou Qype) et par Google, Bing et Yahoo Local dans le cadre de la recherche universelle et sociale.
Signe des temps sans doute, Pages Jaunes a racheté 123people en Mars 2010 et intègre désormais des résultats issus des réseaux sociaux dans ses recherches. La politique de confidentialité des données de Facebook n’a jamais fait autant de bruit. L’identité numérique n’est plus une notion virtuelle ; elle fait désormais partie de nos vies quotidiennes. D’où l’importance de bien comprendre les tenants et aboutissants de cette identité numérique tant personnelle que professionnelle, constitutive à terme de notre e-réputation.
E-réputation, un signal de confiance
Le terme « réputation » vient du latin « réputation » qui signifie « évaluation ».
La réputation est donc une évaluation sociale, une mesure de la confiance que l’on inspire aux autres, ou plus simplement l’opinion d’une ou plusieurs personnes sur une autre, une marque ou une entreprise… Or, une opinion est un jugement de valeur. Elle est avant tout et surtout subjective. Parfois, elle peut reposer sur des faits observables et vérifiables. Elle devient alors une certitude, une vérité indiscutable. Mais le plus souvent l’opinion formulée l’est au sens le plus négatif du terme ; il s’agit de rumeur, de préjugé, voire de mensonges énoncés visant à détruire un rival.
Une personne mécontente d’une marque sur le Net le fera savoir à 6000 personnes
Dans la vie réelle, une personne mécontente d’une marque ou d’un prestataire de service le dira à 6 personnes en moyenne, sur le Net, elle le fera savoir à 6000 personnes… Le vrai souci ne réside donc pas tant dans les communautés, que dans les éléments isolés qui vont laisser un ou plusieurs messages sur les forums de-ci delà, – lesquels sont difficilement perceptibles -, tout en restant sur Google. Certes, de même que j’ai une existence au sens sartrien du terme, j’ai bien une identité numérique qui m’appartient en propre, et même qu’il m’appartient d’entretenir et de maîtriser.
L’homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait, nous objecterait Sartre. Certes, le « faire » est bien constitutif de l’être ; et c’est bien par son acte propre que l’homme sera ce qu’il fait, de même que la marque ne sera que ce l’on a décidé d’en faire. Mais il n’en demeure pas que les autres me jugent, m’évaluent en permanence sur le Net, laissent des commentaires sur nombre de pages web, des évaluations sous forme de notation (Ebay, Pages Jaunes), lesquels sont constitutifs à terme de mon essence, dirait Sartre ; constitutifs de ma e-réputation dirais-je aujourd’hui, en termes de révolution numérique avérée.
Or, ce sont ces commentaires postés sur les blogs, ces remarques laissées dans les Forums de discussion, ces opinions émises sur les forums de discussion ; bref tous ces jugements de valeurs qui me «définissent» lors des recherches sur Internet qu’un DRH ou n’importe quel quidam peut effectuer lors d’un people search, ou name-googling.
La veille d’opinion sur les médias sociaux est incontournable
Dès lors, la veille d’opinion sur les médias sociaux est aujourd’hui incontournable. Wikipedia, les blogs, Myspace, Twitter et Facebook représentent ensemble 18% des informations recherchées par les internautes et 83% des acheteurs en ligne sont directement influencés par les avis de consommateurs. On voit dans ce type de démarche se dessiner déjà la préséance du sujet jugeant sur l’objet jugé que je suis.
Ainsi je suis objectivité par autrui. Ce sont les autres qui sont non seulement révélateur de ce que je suis, formateur de mon essence, mais plus radicalement et absolument encore créateurs de mon être. Dès lors, je suis « digne de confiance » parce que j’ai une bonne e-réputation, et inversement ne suis-je pas digne de confiance du seul fait qu’ont été postés sur moi quelques remarques négatives ?
Le jugement d’autrui n’est pas simplement ce qui donne aux autres une opinion ou une image de moi vraie ou fasse, il me fait être aux yeux au regard des autres ce que je suis pour lui. A l’ère du web 2.0 s’abolit la séparation absolue de mon être pour moi-même et de mon être pour autrui. En effet, contre toute attente, les réseaux sociaux font apparaître autrui comme la condition même de ma e-réputation. Comment dès lors au cœur même d’un souci apparemment purement réflexif autrui peut-il apparaître aussi bien comme meilleur ami que comme mon pis ennemi ?
Evelyne Rogue.
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